vendredi 26 février 2010

Con comme la lune, part.1

« Il considérait mes lacunes…Il me trouvait indécrottable…Moi je le trouvais con comme la lune… » 
Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit.


De deux choses l’une, ils nous prennent pour des cons, l’autre n’est pas claire.

Non, j’les aime bien les ricains, mais depuis qu’ils ont inventé les ordinateurs et l’internet, ils ont l’impression d’avoir inventé l’eau chaude. Alors que tout le monde sait que, à moins d’une toile cirée, l’informatique et une tasse d’eau chaude n’ont jamais fait bon ménage. 

Quand l’internet est en panne, au moins on peut toujours regarder la lune…

Et bien même ça, ils se le sont approprié : ils racontent partout que la lune c’est leur terrain de chasse. Faut être con.

Je tiens juste à leur rappeler que bien avant Houston, Bergerac fut la première base de lancement spatiale au monde de la planète Terre, et l’enfant du pays, Hercule Savinien de Cyrano, le premier homme qui posa le pied sur la lune, aux environs de 1650, ainsi que l’atteste son « Histoire comique des Etats et Empires de la Lune », premier guide du  routard galactique.
Juste en passant, notre cadet de Gascogne a aussi visité le soleil, exploit inégalé à ce jour, de tous les cotés de l’Atlantique.


Deux siècles  plus tard, en 1865, Jules Verne alunissait à son tour après un voyage de 97 heures et 20 minutes. 
Cet exploit donna des idées à Offenbach qui balança Vlan son roi là-haut, puis à Georges Méliès, en 1902. Ce dernier y fit un alunissage un peu violent suite vraisemblablement à une petite erreur de calcul de ses ordinateurs de bord, pas encore inventés par les américains qui décidément étaient prêt à tout pour saboter notre conquête spatiale…

En 1954, même nos amusants voisins belges envoyèrent un jeune reporter, nommé Tintin de Moulinsart, découvrir qu’il y avait de l’eau là-haut. (information reprise en apesanteur - c’est ainsi que l’on dit l’air de rien dans le vide cosmique - par les cow-boys de l’espace le 9 octobre 2009, cf. Le Nouvel Obs du 09.11.2009…)

Ce n’est que 15 ans plus tard que la NASA nous fit donc croire que le premier homme était arrivé sur la lune. 

Un show à l’américaine : annoncé, commenté, annecdoté, radoté, télévisé, et diffusé live, en noir et blanc alors que la télévision en couleur existait depuis 1951 en France...Ok, on va pas chipoter. 
A part ça, comme le prouve leur fameux slogan « Allo Houston », il faut reconnaître que la com, ils connaissent. Choisir 1969, pour déflorer la lune fallait y penser. Certes, prendre le 21 juillet, jour de la fête nationale Belge, ça se discute, mais on ne va pas se fritter pour ça….
Bref ce jour là, un ex-obscur jazzman américain, M. Armstrong, posa enfin sa grosse patte là-haut.

Empreinte de solennité, cette arrivée était finalement un peu ridicule. 

C’est vrai, la Lune c’est très surfait comme lieu de villégiature. 

C’est un cauchemar pour toute ménagère consciencieuse avec une poussière omniprésente, aucune infrastructure d’accueil, pas de garderie ni de cyber-café pour choper fessebouc…et avec ça ce besoin qu’ils ont de toujours faire de grandes déclarations, ces américains : « I have a dream », « Ich bin ein Berliner », « Je remercie Dieu, mon producteur et ma mère », ou « John a très très bien joué, c’est vraiment un très très grand joueur, mais je jouais trop vite, j’ai gagné ».
Pour le coup, l’astronaute avait un temps pensé faire un jeu de mot avec « lune de miel », mais il venait de passer plus de 104 heures avec trois autres types dans un espace plutôt confiné, et il pensait vraisemblablement au voyage retour et l’inévitable promiscuité qui l’attendait, il ne s’agissait donc pas que l’on se méprenne sur son excitation.

Bref, avec ses grosses santiags, persuadé qu’il avait décroché la lune, il a improvisé une histoire de pas et de James Bond…
C’est sûr que jusqu’à présent nous avions toujours fait attention à récupérer les détritus de nos pique-niques afin de ne pas troubler la mer de tranquillité (quelle appellation ironique pour le seul endroit de cet astre troublé par l’homme !) mais la discrétion et le respect de l’environnement ce n’est pas trop leur verre de coke.

A part laisser leurs traces de pas, un drapeau et d’autres cochonneries, cette opération n’apporta pas grand-chose au schmilblick. D'ailleurs ils lui refilèrent dare-dare un petit vélo à Armstrong.

S’ils avaient pris pour leur voyage une navette spatiale mâle, le navet spatial aurait été complet.

(à suivre)

samedi 20 février 2010

Vendredi ou les limbes pas si pacifiques.

La veille du week-end, je savoure toujours avec une certaine nostalgie les derniers instants de tranquillité que m'offre mon bureau bourdonnant comme une ruche. Bien calé au fond de mon fauteuil, je suis d'un œil amusé les secrétaires affairées qui courent du fax à leur PC pour partir plus tôt, j'écoute avec ravissement la sonnerie continue de mon infatigable téléphone, et contemple avec fierté la pile de dossiers urgents patiemment empilés dans un coin.

Dans quelques heures je sais que ma vie va basculer...

Et oui, comme à chaque fin de semaine, l'éducation nationale m'abandonne sans aucun état d'âme aux mains de mes enfants pour deux jours pleins d'heures intenses.

N'allez pas croire que le ne les aimes pas mes deux petits monstres, ils sont si plein de vie...

Dés mon retour à la maison, ils me noient sous un flot ininterrompu de paroles, me racontant plein de trucs super passionnants. Un peu comme si depuis le matin ils avaient traversé deux fois l'Amazonie à cloche-pied, joué au foot dans la mer de la Tranquillité entre midi et deux et traduit en braille toutes les archives perdues de la grande bibliothèque d'Alexandrie. 

Durant cette joute verbale où le ton monte au fur et à mesure des exploits de chacun, on en profite pour aller faire quelques courses. Il s'agit de remplir le frigo avec des produits équitables, j'entends par là qui se séparent facilement en deux parts exactement égales, afin d'éviter tout conflit nucléaire, tout en se concentrant pour ne pas oublier pour la troisième fois consécutive d'acheter la ventouse pour déboucher le lavabo rempli des cheveux d'ange de mon infernale princesse.

Moi, ma technique, c'est de répéter les derniers mot de leur dernière phrase d'un ton enjoué pour marquer mon intérêt, agrémenté d'un petit commentaire sibyllin, du genre «Victor a fait pipi en classe ? Mais c'est très bien ça !», «ta petite soeur est toute bleue ? Mais c'est très joli le bleu !», cette phrase étant souvent suivie, après une petite pause, d’un « Putain mais t’es con ou quoi, lâche lui le cou !!… ».

Mais au moins ça montre à l’enfant qu’on est attentif et qu’on l’écoute.

En effet, il est très important d'être à l'écoute de ses enfants. 
Avec les autres proches aussi, c'est vrai, mais comme on a pas encore inventé le divorce d'avec ses enfants, on est un peu coincé, pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à leur majorité.

Et plus les années passent, plus c'est pire justement. 
Au début ça dessine des mignons petits bonshommes rachitiques sur les murs, puis ça fait exploser le forfait du téléphone par des appels à une ferme tout au bout de l'Afrique alors qu'en temps normal ils refusent catégoriquement d'aller passer le samedi après midi à la campagne. 
Un peu plus tard, les moins douillets vont se faire des trous dans la peau avec des seringues pleines de drogue, les plus branchés iront tirer le sac d’une grand-mère car le vintage ils kiffent grave.

Là, mon rôle de père responsable m'impose d'être ferme, de fixer les règles. Je pourrai les menacer d'aller à la messe le dimanche matin, mais bon y'a des limites quand même. Non, j'essaie de leur faire peur en leur expliquant que si ils ne sont pas sage je vais leur écraser à coups de massue leur Gameboy, que je vais les nourrir uniquement de petits pois, et qu'en dernier ressort ils risquent d’aller en prison …Grâce au journal de TF1, les reportages éducatifs de M6, Prison break, Fort Boyard, etc, ils savent déjà que la prison c’est dur, et que c’est rempli de méchants. 

Le truc c'est de leur faire comprendre qu'il est nettement plus facile d’y entrer que d'en sortir.

Déjà pour y entrer, il faut faire quelques efforts, il faut se faire tatouer les plans partout sur le corps, pour être sûr de retrouver sa chambre, qu’on appelle cellule. Il vaut mieux être souple aussi, car si ta chambre-cellule est dans la partie du plan qui si situe entre tes omoplates, tu as vite fait de te perdre, et de te retrouver dehors, ou dans un conduit d’aération, et du coup, tu manques le souper, et c’est vraiment pas de bol parce que ce soir il y avait salade de museau.
En prison, il faut aussi avoir de l’équilibre, si on veut conserver un minimum d’hygiène, car le sol des douches est jonché de savons que personne n’ose ramasser. On peut donc se tordre les chevilles, car le savon ça glisse. Bon c’est vrai qu’une petite foulure, c’est pratique pour aller voir l’infirmière qui est super moche et moustachue, mais au moins c’est une femme.
Bref, la prison c'est pas l'idéal pour faire un break. Surtout si on ne joue pas au tennis

Heureusement, j'ai toujours une boite de petits pois chez moi.

lundi 8 février 2010

Super bol

Rien ne vaut un bon dimanche sportif pour attaquer la semaine du bon pied.

Hier, j’ai retrouvé avec plaisir le tournoi des 6 nations, et les français ont une nouvelle fois scotché les scottishs. Je persiste à penser que nous ne devrions jouer que contre les écossais, et les italiens aussi, pour que le moral de nos joueurs reste au beau fixe et les empêche de se battre dans les hôtels de l’hémisphère sud.

Nous, français, avons la victoire modeste. Je ne m’appesantirai donc pas sur ce match extraordinaire que nous avons tranquillement gagné avec une maestria frisant la perfection divine.

Même si vous êtes martien de Mars, vous connaissez déjà le rugby, tout du moins grâce aux calendriers pour les martiennes. Pour mes lecteurs béotiens d'ailleurs, je préciserai qu’il s’agit d’un sport d’équipe qui se joue avec un ballon ovale.

Il ne faut pas confondre le rugby avec son dérivé outre-Atlantique, le football américain dont la maxi-géante grand finale mondiale se déroulait cette nuit : le Super Bowl.
Le Super Bowl est suivi par plus de 140 millions d’américain ce qui équivaut pour eux à la majorité absolue à l’échelle du monde, d’où son caractère planétaire et justifie le titre de championnat du monde d'un sport qui ne se joue quasiment pas ailleurs qu'en Amérique du Nord.

Les ricains sont des gens assoiffés d'exploits sportifs : le chiffre d’affaire des vendeurs de bière augmente de 18 millions de dollars sur le week-end, et pour souligner le caractère historique de l'évènement, les Superbowl sont toujours numérotés en chiffres romains, cette année c'est le Super Bowl XLIV (44 pour les arabophones du reste du monde), ce qui signifie que cette tradition ancestrale dure depuis 1966, qui est au demeurant une très bonne année…

Ces précisions économiques et historiques faites, je pressens que vous n’en avez toujours rien à foutre du football américain, car comme moi vous n’y a avez jamais rien compris.

Ça a beau s’appeler football, c’est un sport de ballon qui se joue avec les mains, bien que Thierry Henri n’y joue pas. Cela confirme que les américains sont nuls en langues étrangères.

Le football américain (prononcez aemeuwikane fouteuboleu), tout comme le rugby (prononcez rugby), se joue sur un grand rectangle herbeux et un ballon ovale. En revanche, les joueurs ne mettent pas de scotch autour de la tête, mais plutôt des casques grillagés, car il sont beaucoup plus féroces.

Le but du football américain n’est vraiment pas original puisqu’il s’agit de gagner le match, et pour se faire, les stratèges s’accordent à dire que le meilleur moyen reste de marquer plus de points que l'adversaire. Vu la violence des confrontations, on pourrait penser qu'il s'agit de points de suture, mais non.

C’est connu, les américains sont de grands enfants.
Pour jouer avec eux, il vaut mieux être grand, gros, super costaud avec une musculature allant crescendo vers le haut, ce qui leur donne une allure de bouteille d'Orangina à l'envers. Comme tous les enfants, ils sont facétieux comme des jeunes chatons, et invitent toujours un petit camarade de jeu gringalet à venir partager ce moment de camaraderie franche et virile. Le quart de portion qui se planque prudemment à l'arrière, d’où son surnom de "quaterback", sera celui qui devra pourtant aller au charbon pour faire avancer le ballon sur le terrain.

En effet, pour marquer des points, il faut courir jusqu’au fond du terrain sans se faire écrabouiller par les monstres casqués de l’équipe adverse. Vu la densité de population sur le terrain ce n’est pas évident, du coup chaque avancée de 10 yards est récompensée. 

Un yard équivaut à un mètre, mais en plus petit. Comme quoi tout ce qui est américain n’est pas forcément plus gros.

Le joueur le plus maigre a quatre essais pour franchir 10 yards.

S'il réussi, avec un super bol, sans se faire hacher menu par ses adversaires, ses copains reconnaissants lui fichent de grandes taloches sur le casque et lui donnent la chance de risquer une nouvelle fois sa vie pour 10 yards de plus. Juste avant, il y a droit à une pause publicitaire pour reprendre ses esprits.

S’il rate, après avoir identifié son corps parmi les mottes de terre, il est déclaré out et c'est au chanceux de l'équipe adverse de risquer sa vie.

Par miracle, un joueur arrive parfois au bout du terrain (10 fois 10 yards) et marque alors six points. Il sera tellement hype dans sa tête d’avoir survécu qu’il dansera en tortillant son petit cul moulé en lycra, et lançera avec force le ballon par terre entre ses jambes, au risque, compte tenu du caractère aléatoire du rebond d'un ballon ovale, d'écourter rapidement sa joie et ses chances de reproduction.

Enfin arrive à la mi-temps, l'amie tant attendue par tous, et pas seulement pour les pom-pom girls, enfin la pause quoi. Excusez-moi je m'embrouille un peu, mais c'est dur de rester concentrer sur un tel sport.

Tout d’abord, ce moment là correspond à la plus grosse consommation d'eau du pays, oui je sais, c'est également celle de la bière, mais comme il faut bien pisser, l'un ne va pas sans l'eau.

Paradoxalement, les téléspectateurs ne vont pas aux toilettes pendant les pubs. En effet, grâce à l’audimat record de ce programme, les espaces publicitaires se vendent 100.000 dollars la seconde, et les meilleurs créatifs se vrillent les neurones à la cocaïne toute l’année pour pondre la pub la plus chère du monde dont on se souviendra plus que du nom du vainqueur du match…Puis les plus grandes stars des variétés américaines viennent combler l’interlude entre la pub et le match pour permettre à chacun de se soulager en musique de chiotte.

A la fin de la partie, les vainqueurs reçoivent un trophée qui ne ressemble pas du tout à un bol, et mettent une casquette marquée Super Bowl XLIV. Fous de joie d'être encore vivant, ils viendront hurler face à la caméra pour annoncer la fin du match aux spectateurs les plus abrutis, en pointant du doigt fièrement leur nouvelle casquette.

Cette année, grâce à Dieu, ce sont les Saints de la Nouvelle Orléans qui ont gagné face aux Colts d’Indianapolis.

Vous vous en souviendrez ?

mercredi 3 février 2010

Le concombre sort de l'ombre.

Aujourd'hui j'ai lu dans le quotidien du nom d'un célèbre petit train souterrain parisien, que parmi les plaisirs quotidiens préférés des français, la marche à pied en ville arrivait en première place avec 44% des votes, et faire l'amour en second avec 38 % !

Je suppose, enfin j'espère, que c'est le mot "quotidien" qui à biaisé ce vote.

Du coup, les votants ne faisant pas l'amour tous les jours pour diverses mauvaises raisons, ont préféré choisir le parcours du combattant citadin, avec les mines de crottes de chien, les gaz d'échappement asphyxiants, les commandos destructeurs équipés du dernier marteau-piqueur à suspension pneumatique, sans parler de tous les dazibaos et autres messages de la propagande neuneuhiste qui réduisent efficacement notre champ visuel et notre libre-arbitre.

Mais quand même, je suis inquiet.

Certes la marche à pied est bénéfique pour la santé, mais le sexe l'est encore plus. C'est testé et approuvé.

De même que les fruits et légumes.

Le tout c'est de ne pas en abuser.

lundi 1 février 2010

Nom d'une pipe.


Le dimanche matin j’aime bien aller au marché aux puces de la place Saint Michel et me promener parmi les étals des brocanteurs.

Hier je suis tombé sur un lot de livres, dont le « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux », édité par des chercheurs américains et datant des années 1950.
Machinalement, je le feuillette sans vraiment y porter un grand intérêt lorsque mon œil s’arrête par hasard sur la rubrique des pratiques sexuelles déviantes.

J’y peux rien j’ai une bonne vue.

Bref, je parcours rapidement la liste des choses à ne pas faire quant on veut faire la chose, et ô surprise j’y trouve la fellation !

Si, par hasard, cette pratique et même ce mot vous sont inconnus, je ne peux pas grand-chose pour vous, et vous ne devriez même pas lire cet article. Comme je suis bon prince et parfois charmant, n’en déplaise à Lilas Rose, je vous dirai juste qu’il ne s’agit pas d’une cousine de la fée Clochette.

Je conçois que l’on puisse ne pas aimer tailler une pipe, moi-même je ne l’ai jamais fait, et je ne crois pas que j’aurai envie de le faire un jour.

Mais de là à classer cette pratique parmi les maladies mentales, ça m’a coupé le sifflet.

Du coup, j’ai eu envie de me pencher sur le sujet.

Littérairement parlant j’entends.

Au fil de mes recherches sur internet, je suis tombé sur une grande abondance de clichés explicites, mais finalement peu de textes explicatifs satisfaisant quant à l’origine de cette pratique.

M’attachant à l’origine de ce mot, je me suis aperçu que l’utilisation de l’expression « faire une pipe » semble finalement assez récente.

Au XVIIIème & XIXème siècles, quelques auteurs classiques tentent bien d’introduire la chose, mais sans grand succès du fait d’une prose définitivement trop sibylline :

« Je trouvai aussi le moyen de faire une pipe ; cette invention me causa une joie extraordinaire, et, si j'ose le dire, une si grande vanité, que… » Daniel Defoe, Robinson Crusoe, 1719.

« Quant au bambou sculpté, mon conseil privé entendu j'en ferai faire une pipe au lieu d'une canne. » Prosper Mérimée, Correspondance Générale 1822-1835, vol. 1

En revanche, dans les romans de coches (les gares n’existaient pas encore et les transports en commun étaient dirigés par des cochers), dans les livres de coches les plus légers, il était usuel, toutes proportions gardées, si j’ose dire, d’utiliser l’expression « faire un pompier » pour parler de fellation.
Attention, il ne faut pas confondre avec « se faire un pompier ». En effet, même si l’attrait de l’uniforme sur les femmes est indéniable, il était fait référence dans ce cas d’espèce (di poufiasse), à l’action de pompage plutôt qu’aux valeureux combattants du feu si beaux et sexy avec leurs casques argentés et leur lance à la main.

« Le souteneur de madame s’appelait Pompée ! Sans vouloir me foutre de Germaine, je trouve que faire des pipes pour entretenir un gars qui s’appelle Pompée, c’est un peu de la provocation. » La Rouquine, propos receuillis par Martin Rolland, Alphonse Boudard présente Martin Rolland Ed.Ballard 1976.

Il est également intéressant de constater que cette pratique est quasiment systématiquement associée aux services offerts par les prostituées. La dame de qualité, avant notre époque moderne, ne semblait pas avoir d’activité sexuelle particulièrement originale en dehors de celle acceptée par les missionnaires du Vatican.

Peu à peu, par le biais d’auteurs légers, à la plume fertile, la pratique de la fellation bénéficia de l’expression imagée, de circonstance, « tailler une plume ».
Il est aisé de comprendre l’analogie entre la forme phallique et la plume de l’écrivain allégé qui avait besoin d’être taillée régulièrement. C’est donc tout naturellement que l’expression tailler une plume s’imposa dans les milieux littéraires.

Il est moins évident d’y associer la fabrication des pipes.

Il semblerait que l’expression « tailler une pipe » émerge au cours du XXème siècle, et provienne de la combinaison de « tailler une plume » et « faire une pipe ».

Une des théories les moins fumeuses prendrait naissance dans les bordels du XIXème siècle.

Les prostituées et leurs clients faisaient leurs petites affaires dans les recoins les plus sombres de l’établissement, préservant une certaine intimité au couple et garantissant ainsi un anonymat de bon aloi au client. Les prostituées les plus réputées, afin de ménager leur peine, et lorsqu’elles tombaient sur un client radin qui n’était pas prêt à dépenser le prix nécessaire pour utiliser leur con, profitaient de l’obscurité, pour se faire remplacer, « ni vues, ni connues » par une petite main, que l’on pourrait aussi bien appeler dans le cas présent une seconde bouche.
Le client ne s’apercevait de rien et repartait satisfait sans se douter à qui il avait eu affaire.
Ces dames se congratulaient alors en se disant qu’elles avaient « bien pipé » le pauvre bougre.
Le mot pipe est donc à comprendre ici dans le sens de « piper des dés », c'est à dire de tricher, tromper. L'expression « faire une pipe » renvoie donc à ces prostituées faignantes et arnaqueuses.

Afin de ménager mes lectrices féministes, j’ai une deuxième théorie sous la main.

Avant la fin de la deuxième guerre mondiale et l’arrivée des américaines en France, la majorité des fumeurs se roulaient leur cigarette, ou bourraient leur pipe.
Dans les milieux modestes, le mot cigarette n’était pas spécialement utilisé, on parlait plutôt de tabac, chique, pipe…On disait alors que l’on « s'en roulait une » ou « se faisait une pipe ». La consommation du tabac se généralisant chez les femmes, il est facile d'imaginer que les dames de petite vertu qui faisaient encore des pompiers à leurs clients, comparaient leurs gestes à ceux que font les fumeurs : rouler un cylindre et le tasser méticuleusement avec leurs doigts afin de lui donner une certaine consistance, et puis courir le long de la cigarette avec leur langue avant d'aboutir à une «petite pipe » prête à être fumée. Vu qu'il est question de tabac, on ne peut s'empêcher de lier cette expression avec « avaler la fumée ».

Il est également intéressant de constater que c’est encore et toujours avec l’arrivée des américaines, mais cette fois-ci plutôt dans les années 1980 et par le biais de films vidéos éducatifs, que cette pratique fut remis à l’honneur dans tous les milieux.

Afin d’être complet sur le sujet, sachez que la fellation connait des destinées fort différentes dans les autres pays. Ainsi en Allemagne, on dit « Französich manen », en Espagne « Hacer un frances », que l’on peut traduire fièrement sans chauvinisme par « faire un français ». En Italie, pays attaché aux traditions, on dit « Fare un pompino », faire une petite pompe. Depuis peu, on dit « make a Clinton » aux USA.
L’expression la plus étonnante vient d’Angleterre où l’on roule évidement à contre-sens, puisque l’on dit « to blow a man » qui littéralement veut dire « souffler un homme » !

Nom d’une pipe, moi qui croyaient qu'ils avaient un gros bide à cause de la bière...