mardi 27 septembre 2011

Comment aider votre chien à construire un avion

Difficulté : Peut donner un mal de chien.

(avis aux lecteurs germanophiles : mes rudiments d'allemand étant limités à quelques répliques de La Grande Vadrouille, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon utilisation approximative de la langue de Goethe. Je parle schleu comme une vache espagnole, ce que prouve bien que je ne suis pas xénophobe. Par ailleurs, j'ai également des phares au xénon sur ma voiture, c'est dire)


Avant toute chose, il est INDISPENSABLE de vous munir d'un chien.
Un berger allemand, par exemple.

Ainsi que la plupart des propriétaires de chien, vous constaterez que la construction d'un avion peut plonger votre berger allemand dans un abîme d'embarras et de frustration.

Comme de nombreux Allemands, il a beau avoir une aptitude certaine pour les problèmes d'ingénierie, certains rouages peuvent lui poser un os.
Comme presque tous les Allemands cependant, il est têtu, hargneux, et ne sait jamais quand s'arrêter. Il ne lâche rien, un vrai pitt-bull serait-on tenté d'ajouter.

Par exemple, en ce moment je regarde Hans, mon berger allemand. Lieu c'est un Meeserschmidt BF109 qu'il a entrepris de construire au fond du jardin. Je dois reconnaître qu'il a une certaine fascination pour la blitzkrieg, un atavus douteux, certes, mais tant qu'il ne vote pas pour le Front National, je laisse courir.
Le voir se remettre à l'ouvrage échec après échec est une grande leçon de vie. Mais cela commence un peu à me fatiguer. Suite sa énième tentative avortée pour lancer l'hélice, je le vois déçu mais pas dépité. Je l'entend jurer : "gut verdamt noch einmal !" en secouant la tête comme un chien-chien sur une lunette arrière de voiture. Pathétique, mais presque.

Bien sur qu'il ne démarrera pas ce fichu moteur !
J'ai eu eu beau de lui dire que les taux de compression sont tous erronés, que l'utilisation d'un turbopropulseur plus récent, comme le Daimler-Benz TU605, par exemple, serait beaucoup plus efficace pour lui permettre ne serait-ce que de passer par dessus la clôture du jardin. 

Mais non.
Un vrai casque à boulon.

Et ce n'est sa niche calcinée, encore un peu fumante au fond du jardin qui va entamer sa détermination bornée. Au moins il a renoncé à employer du kérosène enrichi en étanol pour faire péter son moteur...

Bon allez, faut aller lui remonter le moral. Une tasse de thé à la main je traverse le jardin.

- Salut Hans !
Sa gueule sort de sous le moteur. Les poils sont maculés de graisse, notamment sa truffe qui s'orme une mini moustache lui donnant un faux air hitlérien...Il grogne, je flaire immédiatement qu'il est d'une humeur de chien.  Il a bossé quasiment toute la nuit à trouver le bon réglage de ses soupapes...
- Tu sais Hans, pour obtenir la meilleur efficacité volumétrique de ton admission, il faut que tu règles au poil le calage des soupapes avec l'augmentation de l'arrivé d'air, et...
D'un mouvement de langue dédaigneux, il slurp ma tentative d'explication et grogne :
- Dies se Lieber...
- Le moteur du Messerschmidt BF109, est bon certes, mais c'est de conception un peu ancienne, c'est tout.
- Nein ! Le matériel allemand est le meilleur du monde ! Wunderbar ! Fantastisch !
- Ouais, enfin, ça ne les a pas empêché de perdre deux guerres d'affilées quand même, hein ?

Maintenant, il est vraiment de mauvais poil. Son front se plisse et s'errisse, il hurle en frappant le carter au dessus de lui avec sa clef anglaise :
- Harf ! Das parfaite deutsch design ! Ich liebe deutsch mekanic !

A cet instant précis, éclate dans le jardin d'à côté, la pétarade caractéristique d'un moteur Rolls-Royce Merlin 61 12-Cylindres en V, aussi puissant qu'un essaim de tronçonneuses asiatiques en colère. 
Levant la tête je vois passer au dessus du jardin, la réplique improbable d'un Spitfire MK1, fabriquée à partir d'un conduit de hotte aspirante, de plancher flottant, d'accessoires de VTT, tondeuse à gazon et autres trucs à l'emporte pièce. 
Aux commandes, un couple de Welsh Corgis portant casquette en cuir et lunettes d'aviateurs, nous jette un regard condescendant avant de ricaner en english. Shit, manquerait plus qu'il pleuve des chats et des chiens maintenant. Sale temps.

Hans les yeux fixés au sol, reste à l'arrêt un moment, un chat dans la gorge...Pauvre bête.
Son abattement fait peine à voir, il marmonne et puis sanglote doucement. Il me lance un regard de chien battu. Je ne supporte plus toute cette souffrance contenue au fond de ses prunelles brunes.

Ma décision est prise, cette situation ne doit plus durer.

Je rentre à la maison. En ouvrant l'armoire à fusils, je me souviens que de toutes manières j'avais toujours voulu un chien andalou.

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