mardi 20 août 2013

La comédie inhumaine.

J'ai rencontré Florence au théâtre. 

Non pas lors d’une représentation, mais au sein d'une troupe d’acteurs. De théâtre donc.

Il y a quelque temps, un copain metteur en scène s'est retrouvé dans la panade une semaine avant la première de sa pièce, le titulaire d'un rôle s'étant cassé la jambe. 

Après avoir tenté en vain de débaucher, ou d'embaucher, d'autres acteurs, il m'a demandé de remplacer le boiteux au pied levé.

J'ai accepté un peu sans réfléchir.
Je n'avais jamais fait de théâtre auparavant; mais le challenge me plaisait bien, et il fut suffisamment convainquant en m'assurant que je n'avais qu'un petit rôle, et que ma partenaire était charmante.

Je vous passe les détails techniques de la mise en scène, bien que ce soit finalement assez intéressant pour un néophyte comme moi de découvrir les petits trucs et astuces qui échappent àau spectateur.

Pour résumer, mon rôle était plutôt secondaire, voir tertiaire : j'étais le frère de la fameuse Florence, et nous devions entrer en scène au troisième et dernier acte, nouveaux venus dans un camps de concentration déjà bien agité.
Nous amenions avec nous, caché dans nos affaires, un petit miroir, denrée rare qui attisa la convoitise de certains cadors et autres kapos, et grâce à cela nous eûmes très vite une grande influence sur les autres détenus avant de terminer chefs suite à une élection. Je pourrai ajouter que cela se passait en Gascogne, et que certaines répliques étaient donc en occitan.
Oui, on est loin de la Chèvre de Monsieur Seguin, le résumé peut sembler un peu bizarre, et ne rend pas hommage à un scénario plein d'allant biquet.

Dès que j'ai vu Florence – la plus jolie fille de la troupe – son sourire de bienvenue m’a ébloui. A moins que ce soit les spots, mais en bon toutou célibataire, j'ai senti ma queue frétiller pour ce petit bout de femme de 25 ans, et très vite le courant passait plutôt bien entre elle et moi.

Je sentais que je lui plaisais mais, compte tenu de l'échéance et des délais assez courts de nos obligations théâtreuses, les répétitions étaient très studieuses, sous l'œil critique et attentif de mon metteur en scène de pote. 

Le soir de la première, nous étions bien évidemment stressés tous les deux en attendant dans la loge notre entrée en scène. 
Répétant un peu, discutant beaucoup, de fil en aiguille, plutôt que de tricoter, nous avons commencé à fricoter. Et l’on s'est embrassé.

Comme au cinéma.

Florence a immédiatement relevé le caractère incestueux de ce baiser. Cela semblait beaucoup l'amuser qu'un frère et sa soeur se bécotent en loge. Nous avons même failli rater notre entrée en scène. 
Finalement, sur un petit nuage tous les deux, la représentation s'est super bien passée. Tout du moins pour nous. Dans mon enthousiasme, je qualifierai les applaudissements épars dont nous avons été gratifiés comme un grand triomphe.

Margot, mon ex-épouse, était venue avec les enfants pour assister à mes débuts d'acteur.
Lorsque je dis à tout le monde que nous avons gardé d'excellentes relations malgré notre séparation, ce n'est pas du pipeau. Pour preuve, lors du petit pot qui suivit, elle m'a même félicité pour ma prestation. Les enfants aussi d'ailleurs. 

Comme quoi ils ont bien été élevés.

Je suis resté un moment avec eux, je leur devait bien ça, mais en fait je surveillais Florence du coin de l’œil, repensant sans cesse à notre échauffement en loge.

C'est peut-être un détail de l'histoire pour vous, mais au détour d'un petit four, je l'ai présentée à Margot. 

Florence, un peu provocatrice, n’a pu s'empêcher de lancer une petite vanne sur la chance qu'elle avait d'avoir un frère comme moi dans la pièce, plaisanterie que Margot a moyennement appréciée de la part de cette jolie fille, plus jeune d’au moins 15 ans (et ça, ça ne pardonne pas) et qui semblait de surcroît partager avec moi une connivence un peu trop marquée à son goût.

Je repartis sagement chez moi après avoir raccompagné Margot et les enfants.

Le lendemain, rebelote dans les loges. Toujours sans les cartes.
Notre flirt, commencé plus tôt, a été bien plus poussé. Baisers, soupirs, caresses frénétiques, elle m’a presque supplié de la prendre. Galamment, j’ai pris sur moi.
J'ai vite réalisé que ma carrière d'acteur, que ce soit dans le théâtre ou dans le porno, avait peu de chance d'avoir un grand succès, mais cela nous a fait du bien. 

Le soir, après le pot, je suis allé chez elle et nous avons remis ça, plusieurs fois durant la nuit. Cette fille était insatiable ; mais notre différence d'âge m'a rattrapé et j'ai fini par demander grâce.

C’est alors qu’elle a commencé à me raconter sa vie : fille unique, célibataire depuis un an, en manque de mecs, se décrivant elle-même comme légèrement nympho et qu'elle aimait la façon dont je lui caressais les fesses, et son chat Aslan, un tellement gros matou qu'il me fixait avec un air bovin...
Le moulin à paroles avait démarré.
Je me suis endormi alors que sa mère avait refusé de lui acheter une robe pour son onzième anniversaire, je crois, ou alors pendant que sa collègue de bureau parlait de ses varices. 
Je ne sais plus.

On s'est revu ; je passe sur sa conversation, omniprésente, obnubilante, mais étonnamment inintéressante.

Heureusement, à chaque fois elle était superbe, toujours bien habillée, très féminine, avec de jolis dessous, et chaude comme la braise. 

Elle aimait le fait que je sois « un homme accompli », comme elle disait si sérieusement. Pourtant, s’il y a bien un truc que me reprochait mon ex-épouse, c'est mon immaturité.

Ce qui est ridicule puisque j'ai 47 ans.

Et demi.

Bref, si j’étais hermétique à son babillage incessant, je résistais peu à son badinage pressant...
Je ne saurais dire si c’étaient les 20 ans d'écart qui m'empêchaient d’apprécier ses états d’âme; en revanche, concernant l’aspect charnel de notre relation, sa jeunesse était plus que rafraîchissante.

Un jour, alors qu’elle était coiffée d’un chignon compliqué, j'ai soudain réalisé qu'elle avait un faux air de Sharon Stone... Je n’avais jamais fait le rapprochement, mais effectivement, ce nez droit, ces yeux verts et  sa blondeur étaient une version, extrêmement loquace, de l'actrice.
Cette idée sur le coup ne m’a fait ni chaud ni froid. J'suis assez basique d'instinct comme gars.

Ce jour-là, Florence a remis sur le sujet cette histoire de frère et sœur incestueux. Elle m'avoua qu'en tant que fille unique, ce genre de fantasme la rendait « toute chose » et elle voulut savoir si, moi aussi, cela m’excitait.

J'aime beaucoup ma grande sœur, mais fraternellement.
De plus, je dois bien avouer qu’elle n'est pas vraiment canon. Peut-être que si Angelina Jolie avait été ma sœur, j’aurais aimé qu’elle m’asticote plus jeune ; j’aurais même certainement apprécié qu’elle me mette des fessées de temps en temps...

Mais non. 

Je ne sais pas pourquoi, mais pour une fois que son baratin sortait des sentiers débattus, il  éveilla un peu mon intérêt, et je lui ai répondu que oui, pourquoi pas... Embrayant derechef sur mon consentement, elle a alors voulu que je l'appelle du prénom de ma sœur pendant que l'on ferait l'amour. 
Je lui ai alors dit qu'elle se nommait Sharon (alors qu'elle s'appelle Astrid), prénom qui m’est venu logiquement à l’esprit compte tenu de la constatation que j’avais faite un peu plus tôt.

Et nous voilà à nous chauffer, Florence-Sharon faisant les mijaurées à grand coup de « C'est pas bien, les parents ne vont pas être contents… » mais oubliant tout de même de retirer ma main baladeuse alors qu'elle me rejouait la scène du décroisage de cuisses.
Finalement, mon initiation théâtrale s’avérait utile ; et par conscience professionnelle, je poussais le trait jusqu’à vivre mon rôle pleinement. 
Ce n’était plus Florence, mais Sharon qui se débattait faiblement entre mes bras. Peu à peu, cette simulation    nous a transportés tous les deux. Ce fut fantastique de passion, un grand moment de cinéma d'action.

On a remis ça plusieurs fois, souvent à son initiative. À chaque fois, elle faisait semblant de ne pas vouloir, je lui attachais parfois les mains au lit ou dans le dos, et j’avais également trouvé un autre avantage à la situation : je pouvais également la bâillonner et couper ainsi son babil incessant.

Le problème c'est que l'on ne faisait pas l'amour tout le temps, et, au fil du temps, son papotage eut raison de ma patience et de ma passion.

Paradoxalement, lorsqu'un matin je lui ai dit que je ne supportais plus son bavardage, elle resta coite. 

Pour la seconde saison théâtrale, j’ai bien entendu refusé de reprendre mon rôle de frère, me voyant mal gérer un esclandre familial en pleine représentation...

Ma carrière théâtrale s’acheva donc ainsi, par une indigestion de verbiage, et mon histoire d’amour par un silence glacé.

Aucun commentaire: