jeudi 17 septembre 2009

La vraie vie d'Albert Lebel, dit Al Le Rebelle.


Chapitre I
Albert Lebel, au départ, était comme vous et moi, ni plus ni moins, mais plutôt vers le moins, car pas grand chose. Loin de moins de sous-entendre que vous n'êtes qu'un ramassis de sous-êtres, de ravis de la crèche dotés d'une once de réflexion qui allume parfois une lueur d'intelligence dans votre cortex gélatineux. Ah non. Mais bon, faut avouer, vu du fin fond de l'univers, nous sommes plus proche du pet de lapin que du sphinx de Gizeh.


Bref Albert (comme vous, et moi) n'était pas une entité plus remarquable que ça.

Néanmoins, à la réflexion, il est tout de même, comme vous et moi, le produit de plusieurs coïncidences, plus ou moins ordinaires à l'échelle de la biblique humanité, et, tout à fait extraordinaires, par rapport à vous et moi, lorsque l'on sait que cela se passa sur l'escabeau d'une bibliothèque humide.
Lors d'un concours de cire, Constance, sa mère, jeune bibliothécaire à la mèche rebelle, rencontra Jean Lebel, fabriquant de bougie à Lourdes. L'étincelle qui jaillit de coup ce de foudre alluma une vive passion. La nature fit le reste et un spermatozoïde frétillant qui n’avait rien demandé à personne, se retrouva embarqué avec des milliers d'autres, dans une folle course vers l'inconnu.
Il réalisa ce jour là, le sprint de sa vie.
Cet inconnu s'avéra être, tout au fond d'un con sombre mais néanmoins accueillant, une inconnue, sous les traits d'une charmante petite cellule ovocyte qui prenait de grands airs d’ovaires, toute émoustillée par cette armée de prétendants.
Sans y réfléchir plus que cela, c’est le miracle de l’amour qui rend aveugle, ce qu'il était déjà de toutes manières, et idiot, ce dont il se rendra compte bien plus tard, il s'unirent in peto dans un coït in-utero qui ressemblait plus à une tournante ou un gang-bang qu'à un rendez-vous galant...
Mais bon, si les choses du sexe étaient aussi poétiques que l'on veut bien nous le faire croire, Rocco Sifredi aurait déjà déjà eu le prix des lectrices de Elle. (Ha il l'a eu ? Au temps pour moi)
En fait, au départ, Albert Lebel était aussi cet ovule. Il n’est vraiment devenu un Albert entier que lorsque ses deux moitiés fusionnèrent et qu’il se mit à zygoter.
C’est sûrement dés cette période qu’il se découvrit des prédispositions à l’agitation, la rébellion, la révolution, qui guidèrent sa vie et celle tant d'autres. Peut-être que si il avait atterri dans une éprouvette, il ne serait resté qu’un agité du bocal, mais non, Dame Nature en avait décidé autrement. Sans lui demander son avis, bien évidemment. Qu’était-il en fait, pour que l’on s’intéresse à ses désirs ? Juste un quidam, faisant parti de la masse embryonnaire mondiale, un fétu de paille venant grossir le peuple des foetus.
Foetus certes mais têtu aussi.
Quitte à se retrouver dans ce milieu pénitenciaire placentaire, il fit contre mauvaise fortune, bon cœur. Sa situation d’assisté lui convenait finalement : logé, chauffé, nourri, eau et gaz à l'étage. C'était un endroit tranquille en plus, pas plus de stress que ça si ce n’est parfois de sourdes angoisses à propos d’un concept un peu flou que l’on appelle l’avenir. De drôles d'idées qu’une sorte d’entité suprême avait l’air de considérer comme essentielles.
Bref, il ne cherchait nullement à s’émanciper, juste à profiter, il ne faisait de mal à personne, et personne ne venait l’emmerder. Il eu tout le temps de réfléchir à sa condition et à s'en accommoder.
Ses parents se marièrent quelques temps après sous la lourde pression locale.
A l'église, le son des orgues résonnait sourdement jusque dans les entrailles de la chair de la chair de Constance, et notre ami Albert même si il n'avait pas coupé le cordon, ne l'entendait pas de cette oreille. Il marqua son désaccord profond pour cette mascarade religieuse de quelques coups de pieds bien placés. Qu'avaient besoin ses parents de rentrer dans ce moule bourgeois et étriqué du mariage ? Cela faisait juste le jeu de l'église, cette secte officielle que imposait à tous une idéologie certes humaniste au départ, mais qui aujourd'hui est à la solde des béni-oui-oui du Vatican, du capitalisme, des américains...
Alors que la marche nuptiale entamait son cortège pompeux et pompant, il décida de devenir communiste. Il n'attendait pas que le christ revienne sur terre, Son paradis il le construira lui-même sur terre. Et si l'église, Dieu ou le capitalisme veulent l'en empêcher, il se battra. Oui ! Révolution ! Et si Dieu existe, il faudra le renverser !
Bon attendant, vu que pour l'instant il était assez limité au niveau rayon d'action, il se contentait de tourner sur lui même. Cela restait toujours une révolution après tout.
Mais évidemment, dans notre société moderne, le droit au bonheur n’est qu’un concept philosophique, la réalité est plus bien cruelle.
Neuf mois après son installation, les ennuis commencèrent et il connut sa première tentative d’expulsion.
Sans concertation, ni avertissement préalable, il dû subir une pression de plus en plus constante d’une soit disant autorité lui ordonnant de dégager les lieux, comme un vulgaire squatteur. Il n'était pas un embryon embrouilleur, mais il s'était habitué à son petit confort bourgeois. Son droit au bonheur, il n'allait pas le lâcher ainsi.
Ce fut sa première rébellion, il décida d’entamer une grève de la fin de grossesse.
Il tint bon un mois et demi. Fétus et têtu, je vous dis.
Malheureusement face à sa détermination, les moyens coercitifs utilisés prirent une tournure beaucoup plus violente : on ouvrit brutalement une brèche à coups de bistouri dans son cocon, et il n’eu d’autre alternative que de se faire éjecter manu medicali dans un bain de sang et de liquide amniotique.
On le molesta, le manipula, le pinça.
Il hurla sa frustration, à s’en déchirer les poumons, ébloui par une lumière crue qui lui agressait ses pupilles dilatées par la terreur, mais rien n’y fit. Au contraire, ses bourreaux semblaient prendre un malin plaisir à le voir souffrir et se rebeller ainsi.
Il se retrouva quelques temps plus tard, couffiné dans une cage à ciel ouvert, apeuré et gémissant. A travers les barreaux de sa nouvelle prison, il apercevait vaguement de pauvres hères s’agiter à l’intérieur de cellules identiques à la sienne. Ses compagnons d'infortune semblaient dans la même situation que lui : à la fois ahuris et fort mécontents.
Il tenta de leur faire savoir que lui aussi il était là, et son appel fût plus qu'entendu, une immense clameur s’éleva de tous les horizons, provocant un vacarme formidable qui mit en émoi leurs geôliers qui couraient de l’un à l’autre et tentaient des mimiques effroyables d’intimidation pour faire cesser cette agitation.
De ne plus se savoir unique lui redonna courage, et il prit conscience également qu’il ne pourrait pas lutter seul contre ce totalitarisme ambiant qui muselait sa liberté et tentait de transformer les fondements de sa structure sociale.
Cette première expérience de la résistance passive de groupe s’avérait un franc succès à voir la mine excédée de ses fantomatiques gardes blancs.
Mais pour l’instant, après toutes ces émotions accumulées, il avait surtout besoin de se reposer un peu, prendre quelques temps de réflexion, observer, et analyser, et se nourrir, aussi car il commençait à découvrir une autre perversité de la vie : la faim.

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