samedi 20 février 2010

Vendredi ou les limbes pas si pacifiques.

La veille du week-end, je savoure toujours avec une certaine nostalgie les derniers instants de tranquillité que m'offre mon bureau bourdonnant comme une ruche. Bien calé au fond de mon fauteuil, je suis d'un œil amusé les secrétaires affairées qui courent du fax à leur PC pour partir plus tôt, j'écoute avec ravissement la sonnerie continue de mon infatigable téléphone, et contemple avec fierté la pile de dossiers urgents patiemment empilés dans un coin.

Dans quelques heures je sais que ma vie va basculer...

Et oui, comme à chaque fin de semaine, l'éducation nationale m'abandonne sans aucun état d'âme aux mains de mes enfants pour deux jours pleins d'heures intenses.

N'allez pas croire que le ne les aimes pas mes deux petits monstres, ils sont si plein de vie...

Dés mon retour à la maison, ils me noient sous un flot ininterrompu de paroles, me racontant plein de trucs super passionnants. Un peu comme si depuis le matin ils avaient traversé deux fois l'Amazonie à cloche-pied, joué au foot dans la mer de la Tranquillité entre midi et deux et traduit en braille toutes les archives perdues de la grande bibliothèque d'Alexandrie. 

Durant cette joute verbale où le ton monte au fur et à mesure des exploits de chacun, on en profite pour aller faire quelques courses. Il s'agit de remplir le frigo avec des produits équitables, j'entends par là qui se séparent facilement en deux parts exactement égales, afin d'éviter tout conflit nucléaire, tout en se concentrant pour ne pas oublier pour la troisième fois consécutive d'acheter la ventouse pour déboucher le lavabo rempli des cheveux d'ange de mon infernale princesse.

Moi, ma technique, c'est de répéter les derniers mot de leur dernière phrase d'un ton enjoué pour marquer mon intérêt, agrémenté d'un petit commentaire sibyllin, du genre «Victor a fait pipi en classe ? Mais c'est très bien ça !», «ta petite soeur est toute bleue ? Mais c'est très joli le bleu !», cette phrase étant souvent suivie, après une petite pause, d’un « Putain mais t’es con ou quoi, lâche lui le cou !!… ».

Mais au moins ça montre à l’enfant qu’on est attentif et qu’on l’écoute.

En effet, il est très important d'être à l'écoute de ses enfants. 
Avec les autres proches aussi, c'est vrai, mais comme on a pas encore inventé le divorce d'avec ses enfants, on est un peu coincé, pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à leur majorité.

Et plus les années passent, plus c'est pire justement. 
Au début ça dessine des mignons petits bonshommes rachitiques sur les murs, puis ça fait exploser le forfait du téléphone par des appels à une ferme tout au bout de l'Afrique alors qu'en temps normal ils refusent catégoriquement d'aller passer le samedi après midi à la campagne. 
Un peu plus tard, les moins douillets vont se faire des trous dans la peau avec des seringues pleines de drogue, les plus branchés iront tirer le sac d’une grand-mère car le vintage ils kiffent grave.

Là, mon rôle de père responsable m'impose d'être ferme, de fixer les règles. Je pourrai les menacer d'aller à la messe le dimanche matin, mais bon y'a des limites quand même. Non, j'essaie de leur faire peur en leur expliquant que si ils ne sont pas sage je vais leur écraser à coups de massue leur Gameboy, que je vais les nourrir uniquement de petits pois, et qu'en dernier ressort ils risquent d’aller en prison …Grâce au journal de TF1, les reportages éducatifs de M6, Prison break, Fort Boyard, etc, ils savent déjà que la prison c’est dur, et que c’est rempli de méchants. 

Le truc c'est de leur faire comprendre qu'il est nettement plus facile d’y entrer que d'en sortir.

Déjà pour y entrer, il faut faire quelques efforts, il faut se faire tatouer les plans partout sur le corps, pour être sûr de retrouver sa chambre, qu’on appelle cellule. Il vaut mieux être souple aussi, car si ta chambre-cellule est dans la partie du plan qui si situe entre tes omoplates, tu as vite fait de te perdre, et de te retrouver dehors, ou dans un conduit d’aération, et du coup, tu manques le souper, et c’est vraiment pas de bol parce que ce soir il y avait salade de museau.
En prison, il faut aussi avoir de l’équilibre, si on veut conserver un minimum d’hygiène, car le sol des douches est jonché de savons que personne n’ose ramasser. On peut donc se tordre les chevilles, car le savon ça glisse. Bon c’est vrai qu’une petite foulure, c’est pratique pour aller voir l’infirmière qui est super moche et moustachue, mais au moins c’est une femme.
Bref, la prison c'est pas l'idéal pour faire un break. Surtout si on ne joue pas au tennis

Heureusement, j'ai toujours une boite de petits pois chez moi.

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