L'ignorance a une saveur délicieuse.

Ce serait faire preuve d'à propos de parler aujourd'hui d'Egypte ou de Tunisie, mais j'ai une fâcheuse tendance à préférer voir comment les choses évoluent avant de lancer des jugements à l'emporte-pièce.

Surtout que, contrairement à pas mal de personnes, je ne connais absolument pas ces pays. Les agences de presse couvrent largement les évènements, cela ne m'avancera pas de couper les cheveux en quatre donc j'attends tif. Néanmoins parfois je me dis que si je ne savais rien, je vivrai aussi bien, voir mieux. 

D’ailleurs, c'est ce que Dieu, celui de la religion catholique, dans sa légendaire grande sagesse avait omnipotement prévu dès le départ.

A l'époque du jardin d'Eden, les fruits de l'arbre de la connaissance nous étaient interdits. Ce n'était pas pour rien, les amis. Cela nous a déjà valu pas mal de soucis. Cette vérité est corroboré par son fils qui a défaut d'en posséder une sacrée, en rajoute une, couche : "Bienheureux les simples d'esprits...".

L'ignorance est donc une des clefs du paradis.

Seulement voilà, les journalistes sont de misérables païens qui s'évertuent à nous faire connaître le moindre détail de la vie du chihuahua de Paris H., la marque des cigares de Bill C., et depuis peu, grâce à Wickileaks, des informations touchant à la sûreté nationale, comme les menus des petits déjeuners des diplomates en poste à Kuala Lumpur.

Comment rester saint d'esprit avec ce déferlement d'INFORMATIONS (informations capitales)?

Cette surenchère peut à terme être fatale. 

Dernier exemple en date, cet adolescent qui décède d'un staphylocoque doré suite à, semble-t-il dans un premier temps, un dîner chez Quick. 

Et puis finalement non.

Conclusions trop hâtives ou non, le décès reste consommé.

Au même moment, parait cet article du Los Angeles Times qui a dévasté une bonne partie de mes convictions en matière de nutrition : "It says Taco Bell's ground beef is made of such components as water, isolated oat product, wheat oats, soy lecithin, maltodextrin, anti-dusting agent, autolyzed yeast extract, modified corn starch and sodium phosphate, as well as some beef and seasonings." 

En gros, il faut comprendre que lorsque Taco Bell parle de boeuf assaisonné, ce n'est pas de la blague, il l'est vraiment .

En fait, seuls 35% de la matière totale correspondent à de la viande. Le reste est composé de tout un tas de produits sympathiques comme de l'eau, du phosphate de sodium, de la maltodextrin, enfin tous les trucs cités ci-dessus, dont le fameux "anti-dusting" qui, si je ne m'abuse docteur, est un anti-poussière !

Quelque part, je trouve plutôt malin qu'ils aient mis de l'anti-poussière dans ces sandwichs. En effet, qui aurait envie envie d'un steack qui récolte toute la poussière ambiante lorsqu'il reste plusieurs jours dans les bacs ou sur un comptoir de cuisine ?

En revanche, pour les autres produits, je n'ai aucune explication rassurante. 

D'ici à ce qu'un collectif de consommateurs demande à ce que le nom de ce boeuf assaisonné soit rebaptisé dans un truc du genre "pavé de farine d'avoine traité anti-acarien à saveur de boeuf", ce qui serait beaucoup plus précis, il n'y a qu'un pas. Ou pas.

Tout comme avec les secrets touchant la sécurité nationale, je continue à penser que ce sont des informations que le public n'a pas besoin de savoir. 

La gastronomie française a déjà beaucoup souffert de la restauration rapide. Ce n'est pas pour rien qu'elle bénéficie aujourd'hui du statut de patrimoine de l'humanité attribué généralement lorsqu'il y a péril en la demeure.

Nous, français, héritiers de Rabelais, ne savons plus cuisiner : avez-vous déjà réussi à faire chez vous un hamburger qui ressembla, même légèrement, à un hamburger McDonald's ? 

Non, car il est inimitable, et c'est assez stressant comme ça.

Finalement, tout ce qu'il y a besoin de savoir c'est qu'il n'est pas cher, avec un goût doucereux, voir savoureux les premières fois. Est-ce que savoir ce qui se cache réellement dans un nugget de poulet me rendra plus heureux ?

Tant que les services sanitaires m'assurent que ces produits ne vont pas me tuer trop vite, ce que j'ai juste besoin d'apprécier c'est cette saveur sucré-salée que j'ingurgite rapidement sans avoir besoin de me fatiguer à trop mâcher.

Et si, au fil du temps, cette alimentation me fait muter, me transforme en zombie ou mieux, en vampire, et bien qu'il en soit ainsi, je n'en serai que plus aise pour "par curieuse leçon et meditation frequente, rompre l'os et sugcer la sustantificque mouelle." — (François Rabelais, Gargantua, 1534, Prologue).