samedi 11 avril 2009

Repas sage à l'extérieur.

Parmi les scénarios habituellement utilisés pour nous décrire la fin du monde, on retrouve souvent le chaud ou le froid...

Soit nous mourrons tous de chaud, la gueule ouverte, la langue sèche comme un cul, et ce grâce à un réchauffement global inéluctable, ou bien donc par le froid, grelottant, blancottant, de grands nuages plus ou moins météorologiques obscurcissant notre horizon et empêchant ce bon vieux soleil de nous réchauffer la couenne.

Personnellement, de ce que je connais d'elle, je penche plutôt pour le chaud.

 Avec mon CV tout en ruptures, expériences fortuites et rencontres furtives, je m'étonne d'avoir encore un fond de romantisme qui me fais penser à elle même en dehors de mon lit. A mon âge, c'est à se coller des baffes.

 Faut dire qu’elle avait une façon de ne pas me regarder extrêmement touchante. Son regard me transperçait sans retenu, comme si j'étais gazeux.  Elle emplissait mon horizon, d'un regard lointain.

Sans déroger à la tactique de l'invitage en règle, mais voulant tout de même gagner quelques semaines sur le plan d'attaque habituel,  je me suis donc décidé à lui parler et  à l'inviter d'entrée dans un resto pleins d'étoiles.

Et je l'ai vu sourire.

Un collier de perles nacrées dans un écrin ouaté de rouge baiser illumina son visage de madonna (oui elle est blonde).  Les oiseaux qui voletaient de-ci de-là se sont arrêtés tout net, aucun souffle d'air ne vint tempérer la montée soudaine de ma température interne...Je m'apprêter à siffler comme une cocotte minute, lorsqu’elle accepta d’un simple « oui » charmant, puis d'un gracieux mouvement d'épaule, voila son image du rideau ondoyant de ses cheveux.

 Fébrile, je l’ai retrouvé prés de la cathédrale, comme convenu. 

Jusqu’à notre destination son mutisme ajoutait une solennité à ce premier rendez-vous qui me faisait pleinement appréhender la chance exceptionnelle que j’avais de marcher à ses cotés. 

Au resto, elle poussa juste un « ô » de ravissement des plus prometteurs. Pour le rest je sais pas, mais ses deux premiers mots (le second est habituellement considéré comme une onomatopée, sauf qu'avec elle tout était hors du commun), étaient finalement enthousiastes. Le maître d’hôtel nous installa à une table ronde. Elle me demanda alors combien nous serions à diner. Un peu surpris je lui assurais que nous ne serions que tous les deux…

-       « Ha bon mais tous ces couverts, et ces verres, c’est pour qui ? »

Certes, il y avait bien 3 verres et 9 couverts en face de chaque place... Je lui assurais que c’était bien pour nous.

-  « Ha bon…Heureusement que ça existe les lave-vaisselles aujourd'hui parce que je plaindrai les cuistots. »

Cette sollicitude était tout à son honneur…bien que le demi-sourire entendu du maître d’hôtel suggéra autre chose.

Elle me  demanda discrètement ce qu’elle devait faire de tous ces couteaux et fourchettes… Je lui réponds que chaque couvert est prévu pour un plat, de l'extérieur vers l'intérieur…Rien de bien compliqué en fait.

-« Bon, sauf que moi, je tiens mon couteau de la main gauche, même étant droitière…je suis complètement bi… »

Du coup, elle a du tout changer de place et elle a tout mélangé. Finalement, elle a mangé la salade avec sa fourchette à viande mais, je me disais,  en même temps, hein, elle a rien senti la salade, je n’allais pas lui en faire tout un fromage. Qu’elle a d'ailleurs mangé avec la cuillère. Mais peu importe car sa dernière réflexion venait de m’ouvrir de nouvelles perspectives fort alléchantes.

 Les plats du menu dégustation se succédaient sans anicroche. Les mets étaient raffinés, le vin excellent, mais sa conversation vraiment indigeste. Je tentais bien quelques sibyllines phrases mondaines du genre « ce vin à une robe superbe, tout comme vous, c’est un régal… ». Mais mes propos ne rencontraient que peu d’échos, toute concentrée qu’elle était de me citer le nom de tous les chats qu’elle avait pu avoir…

Bon, ce n'était pas un prix Nobel, c'est sûr, ses théories climatiques sur le réchauffement se résumaient a un déluge de dilemmes quant à l'assortiment de ses bottes, de son manteau et de son chapeau. Elle avait certes un pouvoir d'attraction sur moi défiant toutes les lois de la pesanteur, mais je me sentais de plus en plus attiré par un trou noir.

Bref après quelques verres, ça s'est transformé en  « ce vin a du caractère, il a votre cuisse ferme et mes yeux audacieux..." Mais sans plus d’intérêt de sa part. Et le mémorable : « humm ce vin, il fait sa pute » que je tentais sournoisement, tomba à plat, alors qu’elle déclamait son admiration pour Brigitte Bardot et son combat pour les bébés phoques.

-       « Ils sont si choux avec leurs grands yeux et leurs moustaches, comme les chatons… »Tu parles des chatons qui puent la poiscaille, oui. 

Plus le repas avançait, moins je trouvais de sujets de conversation…Au dessert, elle s’exclama alors qu’elle avait eu une révélation.

 Diable ! Enfin quelque chose de spirituel, je la pressais de m’en dire plus, certain que ce qu’elle venait de découvrir était très mystérieux, psychédélique, miroitant et saugrenu...Oui, oui tout ça.

- « Comme j'avais faim, je me suis dit que j'allais manger (après, on dit que les blondes sont connes, pff même pas vrai, vous avez vu la logique là?). Donc, je m'en vais réchauffer mes endives au porc préparées avec amour par ma maman, j'ouvre la porte du micro-onde, je mets l'assiette dans le micro-onde, je referme la porte du micro-onde, je tourne le minuteur du micro-onde, je…(oui, oui, c'est bon, j'arrête, c'est lourd, mais j’y ai eu droit aussi…) Donc, le plat se réchauffe, et puis je me dis : oulala, j'ai peut être mis trop de temps ! Alors j'ouvre la porte, je touche, même pas brûlée, donc je me dis que c'est pas encore chaud alors je referme la porte et hop, ça redémarre…mais oh surprise, le plat tourne dans l'autre sens. Alors, je rouvre la porte, je la referme et oh, ça retourne dans l'autre sens. Je l'ai fait 4 ou 5 fois (c’est vrai ça doit être amusant au début, mais j’imagine que ça saoule vite ensuite). Alors, moi je demande pourquoi? Oui, pourquoi ça change de sens? »

 Si vous êtes comme moi peu versé dans l’ingénierie électroménagère, ce genre de colle vous aurait scotché.

 J’ai bien pensé que c'est pour divertir les gens qui confondent leur télé et leur micro-onde… peut être aussi que c'est pour signaler aux mamans que leurs enfants ont touché au micro-onde pendant la cuisson du gâteau au chocolat…  « Petit garnement, tu as goûté au gâteau!! » « Non maman j’te jure!! » « Ne jure pas petit con, le gâteau tournait de droite à gauche et maintenant, il tourne dans l'autre sens, tu vas me le payer!! »  « Non maman, lâche le micro-onde!! »

Bref, je restais assez court sur le sujet.

Le repas était enfin terminé. J’avais épuisé mon quota de phrases bateau et refusais  de regarder le montant de la note afin de ne pas sombrer dans une titanesque déprime.

 Nous rentrâmes cote à cote, en silence,  jusque chez elle. Je n’espérais même plus une petite récompense pour mon calvaire, elle enfonça néanmoins le clou en déclarant tout de go que son type d’homme était… Johnny Hallyday qui devenait de plus en plus sexy et qui…Je vous passe les détails. Elle lui  vouait une adoration mystique. Et ça n’a aucun intérêt  puisqu’il ne me ressemble absolument pas. 

Johnny…L'enfoiré, à son âge il pourrait passer la main tout de même. Ca faisait un moment qu’il me gonflait les oreilles celui-là, J'ai alors décidé d'avoir sa peau.

Puisqu'il parait que la copie pirate c'est la mort de l'artiste, je vais télécharger tous ses albums 500 fois, je ferai des centaines de gravure de CD, et là, il va enfin crever la gueule ouverte, la langue sèche comme mon porte-monnaie...

En attendant mon ordi tournera 24/24, et comme ce n’est pas bon pour la couche d'ozone tout ça, la calotte glaciaire va fondre et les phoques avec.

C'est dommage, j’aimais bien le pâté de bébé phoque moi.

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